Exposition|Pudeur et Discrétion (France)
- Recherche-Création|莊馨怡, 古睖久古
- 26 juin
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 sept.
CHUANG Hsin-I, LIN Yu-Ta, Projet artistique en France
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Invitation au Festival Artistique du Parc National de Forêts « Dignités de la beauté »
organisé par Le centre de recherche et de création artistique La Maison Laurentine
/ Texte de Commissaire d'exposition du Festival Artistique du Parc National de Forêts
16e saison d'Exposition Internationale Artistique :Dignités de la beauté
Pudeur et Discrétion - de Lévi-Strauss aux Créations Contemporaines
Dans Mythologiques 3, Claude Lévi-Strauss évoque cette qualité particulière qu'il
nomme «pudeur et discrétion» - une forme de retenue qui ne procède ni de la timidité
ni de l'effacement, mais d'une conscience aiguë de la juste mesure dans l'expression de
soi. Pour l'anthropologue, cette pudeur constitue une sagesse relationnelle, un art de la
présence qui sait se tenir à distance respectueuse du spectaculaire pour mieux révéler
l'essentiel. Cette notion trouve un écho singulier dans les créations artistiques
contemporaines de Hsin-I CHUANG et Yu-Ta LIN, deux artistes taïwanais qui font de
cette discrétion lévi-straussienne un principe créateur. Leurs œuvres ne cherchent pas à
s'imposer par la force ou l'éclat, mais cultivent au contraire une présence subtile,
presque effacée, qui invite à une perception plus attentive et contemplative.
Cette approche esthétique trouve ses fondements théoriques dans les travaux de Gaston
Bachelard sur la phénoménologie de l'espace, du temps et de la lumière. Bachelard
nous enseigne que l'expérience poétique naît souvent de ces moments ténus où la
perception se fait plus fine, où l'ordinaire révèle sa dimension extraordinaire. La
lumière, chez Bachelard, n'est jamais simple illumination : elle devient révélatrice
d'espaces intimes, créatrice de temporalités particulières, génératrice d'une géographie
sensible de l'âme.
Hsin-I CHUANG et Yu-Ta LIN s'approprient cette pensée bachelardienne pour
développer un langage artistique où la pudeur devient révélation. Leurs installations et
leurs interventions spatiales travaillent les seuils, les passages, ces zones liminaires où
la perception hésite et se renouvelle. La discrétion de leurs gestes artistiques - un jeu
subtil avec la lumière naturelle, une modification imperceptible de l'espace, une
temporalité ralentie qui résiste à l'urgence contemporaine - crée les conditions d'une
expérience esthétique qui échappe aux logiques de la consommation visuelle
immédiate.
Cette démarche s'inscrit dans une tradition de pensée qui va de la pudeur lévi-
straussienne à la poétique bachelardienne : celle qui comprend que le véritable
dévoilement procède souvent du voilement, que la vérité de l'art réside moins dans
l'ostentation que dans la suggestion, moins dans l'affirmation que dans la nuance. Les
créations de ces deux artistes témoignent ainsi d'une résistance silencieuse aux excès
de visibilité de notre époque, proposant un autre rapport au temps et à l'espace, plus
contemplatif, plus respectueux des rythmes naturels de la perception et de la rêverie.
Cette approche révèle une dimension fondamentale de leur travail : celle de la poésie
visuelle. Car les œuvres de Hsin-I CHUANG et Yu-Ta LIN entretiennent avec la
sculpture le même rapport que la poésie avec le langage. Là où la prose utilise les mots
pour communiquer, la poésie les transfigure, révélant dans leur agencement secret une
puissance évocatrice qui dépasse leur simple fonction utilitaire. De même, ces artistes
dépassent la fonctionnalité première des matériaux et de l'espace pour accéder à cette
dimension mystérieuse où la forme devient révélation, où la matière se fait métaphore.
Cette poésie visuelle procède par condensation et suggestion, exactement comme le
vers poétique condense en quelques mots toute la complexité d'une émotion ou d'une
vision du monde. Les installations de ces artistes opèrent une semblable alchimie: un
simple jeu de reflets, une variation d'intensité lumineuse, un déplacement
imperceptible dans l'espace suffisent à ouvrir des abimes de sens et de sensations. Ils
retrouvent ainsi cette puissance première de l'art que Bachelard décrivait comme la
capacité à faire surgir l'infini du fini, l'immense de l'intime.
Cette poésie visuelle héritée de la pudeur lévi-straussienne ne cherche pas à éblouir
mais à émouvoir, ne vise pas le spectateur mais l’essentiel. Elle cultive cette beauté
particulière qui naît de la justesse plutôt que de l'abondance, de la précision plutôt que
de l'accumulation. En convoquant la pensée de Lévi-Strauss et de Bachelard, Hsin-I
CHUANG et Yu-Ta LIN ne se contentent pas d'illustrer des concepts théoriques : ils
les transforment en expérience sensible, en propositions plastiques qui redonnent à la
pudeur et à la discrétion leur dimension véritablement révolutionnaire dans un monde
saturé d'images et de sollicitations visuelles.
Pierre Bongiovanni
Commissaire d’exposition, Le 26 juin 2025
Extrait du projet de CHUANG Hsin-I et LIN Yu-Ta :
Le projet « Métastable » est né d’une observation, lorsqu’une matière, intégrée à une oeuvre, évoque une action, ou lorsque la matière elle-même est cette action, elle est souvent impossible à localiser. Cette matière, à l’instar de la respiration, n’occupe pas un espace, mais ouvre un espace en elle-même, inaugurant un rythme d’action.
LA MAISON LAURENTINE
Centre de recherche et de création artistique
15 Rue du Moulin,
52210 Aubepierre-sur-Aube, France
06 83 69 72 78
Résidence de création|2 0 2 5. 0 6. 0 4 - 0 6. 2 8
Dates d’exposition|2 0 2 5. 0 6. 2 9 - 1 0. 1 9
Lieux d’exposition|Salle Blanche du centre d'art,
Eglise centenaire en pierre,
Ancien lavoir
Projet soutenu par

La Maison Laurentine est un lieu d'accueil d'artistes et chercheurs en résidence, un lieu d'expositions et de rencontres, ainsi qu'une maison d'édition. Situé en plein cœur du Parc National des Forêts françaises, il offre un environnement naturel propice à la créativité.